Jean, travaille sur l’exploitation familiale avec son fils Aurélien. La femme de Jean, Marguerite, travaille à l’extérieur à temps plein et n’aide que très ponctuellement sur la ferme. Jean, est quelqu’un de très autonome et indépendant : il a repris la ferme parentale très tôt, et s’est toujours débrouillé seul. Actuellement, il rencontre de plus en plus de tension avec son fils Aurélien. Il lui semble qu’Aurélien ne prend pas les bonnes décisions et que la rentabilité de la ferme s’en trouve impactée. Il commence aussi à se sentir dépassé. Jean s’inquiète pour l’avenir d’Aurélien, d’autant que Jean approche de la pension. Jean n’a rien dit de ses doutes, de peur d’animer les tensions avec son fils et d’alarmer Marguerite. Le soir, il peine à trouver le sommeil, et cogite sur l’avenir de la ferme. De plus, Jean cache un eczéma recrudescent à sa femme.
Communiquer sur son mal-être n’est pas une chose facile. Comme Jean, on se dit qu’on a pu s’en sortir seul jusqu’à présent, que l’aide de quelqu’un ne changera rien de toute façon, que c’est une perte de temps… Oser demander de l’aide implique de déconstruire un certain nombre d’idées reçues au préalable : « demander de l’aide est signe de faiblesse ou d’échec », « garder ses problèmes pour soi est une sécurité », ne pas vouloir déranger, etc. Il est d’autant plus difficile de solliciter l’aide de quelqu’un alors que les valeurs d’indépendance et individualistes prévalent dans notre société.
Les difficultés font qu’on peut avoir tendance à s’isoler, ce qui renforce le mal-être et enferme dans le problème. Pourtant, ne pas communiquer sur les difficultés rencontrées comporte des risques : mal-être, tristesse, repli sur soi, fatigue, trouble du sommeil, ruminations, angoisse, perte de confiance en soi, irritabilité et colère, désintérêt, plus goût à rien… ou somatisation comme on le voit à travers l’eczéma de Jean.
Comme Jean, qui est pris dans une situation stressante (l’approche de la pension, tension avec son fils), tout le monde peut connaître des moments de déprime et de passage à vide. Cela peut être à l’occasion d’une difficulté liée à son travail (une difficulté financière, une machine qui tombe en panne, une césarienne qui tourne mal, un propriétaire qui veut reprendre ses terres, …) ou d’une difficulté de vie (un deuil, un accident, une rupture, une maladie, …), et parfois aussi sans raison apparente. Ce vécu douloureux, qui dure, peut empêcher de mener sa vie comme on l’entend.
La première étape consiste à reconnaître ces signaux de détresse, et que l’on traverse un moment difficile. Oser parler de soi ou des difficultés rencontrées permet de mieux connaître ses forces et ses faiblesses. Se reconnaître vulnérable devient une force. Solliciter les conseils et avis de quelqu’un de confiance permet de dégager d’autres pistes de solutions auxquelles nous n’aurions pas forcément pensé. Faire l’expérience d’être écouté, compris, renforce notre sentiment de sécurité, notre confiance et notre estime de soi. Réussir dans son exploitation agricole nécessite aussi de pouvoir demander de l’aide quand c’est nécessaire, et surmonter la difficulté pour continuer d’avancer. Demander permet aussi de vérifier que l’on n’est pas seul, c’est faire l’expérience de l’entraide et de la solidarité.
Il arrive que l’on soit témoin de la difficulté d’un proche, d’un voisin ou d’un ami… Cela peut être déstabilisant et susciter un sentiment d’impuissance : on ne sait pas quoi faire ! Cependant, ne pas oser demander de l’aide, ne signifie pas ne pas avoir besoin de soutien. Exprimer à la personne concernée son sentiment qu’elle traverse un moment difficile ouvre la porte au dialogue et à la reconnaissance. Proposer de l’aide sera alors plus facilement accueilli, qu’il s’agisse d’un coup de main ponctuel, ou de faire appel à des professionnels. Partager le souci que l’on se fait pour l’autre, rend possible la recherche de solution.